Pourquoi quitte-t-on les Alpes pour venir vivre au Mont-Sainte-Anne?
Tout plaquer pour m’expatrier au Mont-Sainte-Anne
Étudiante à l’université de Grenoble, ville « fortifiée » par les montagnes, je caressai le rêve de partir vivre un an ou deux à l’étranger. Mon diplôme de maîtrise en poche, je mis le cap vers le Canada. Eh oui, un Français émigre d’abord vers le Canada. Après un road trip jusque dans les Rocheuses, je décidai de poser mes valises au MSA. Coup de cœur pour la région, parce que je voulais vivre à la fois près d’une ville à taille humaine qui bouge bien culturellement et d’une montagne — je suis fan de tous les sports de montagne (rando, escalade, vélo de montagne, canyoning, raquettes, ski, snowboard).
Sauf que les gens du coin me demandaient, l’air éberlué : « Mais pourquoi? ». Oui, pourquoi quitter les Alpes — plus précisément, le plus grand domaine skiable d’Europe, l’Espace Killy (Tignes-Val d’Isère) — pour venir m’installer à l’ombre de ma « colline » de 2 625 pieds, comme je l’appelais? Cherchez l’erreur.
Les Alpes, c’est grandiose, et je retournerai peut-être y vivre un jour. Mais on en s’en fait une image idyllique. Y aller en touriste et y vivre : pas le même combat. Au fin fond de la vallée, on peut ressentir l’isolement. La vie culturelle n’était pas assez foisonnante à mes yeux, la plus grande ville (Grenoble) à 2h30 de route, les « locaux » froids et méfiants envers les alpins d’adoption, les entre-saisons « creuses », voire déprimantes.
Du stéréotype à l’authentique
Il paraît que les clichés ont cela de drôle qu’ils sont vrais. Et, dans mon cas, les clichés à propos des Québécois se sont avérés. La simplicité avec laquelle les amitiés se forgent, les portes des maisons grandes ouvertes, les invitations sur le pouce en plein milieu de semaine (en France, on sort essentiellement les vendredis et samedis soirs), la générosité, le respect de l’humain, la place de la femme dans la société, tout ça a plu à la Française en quête d’un « autre chose » qu’elle ne savait pas vraiment identifier.
J’ai reçu un accueil incroyable au niveau personnel et professionnel qui m’a fait rester et donc maudire de ceux qui veulent qu’un bon Français est celui qui rentre chez lui! Les gens de la région du MSA m’ont tellement facilité les choses, à commencer par le directeur de l’école de glisse de l’époque, André Bergeron, qui m’a fait confiance en m’offrant mon premier job comme monitrice de snowboard. Lequel a débouché sur un emploi dans mon domaine (communications), où j’ai évolué pendant sept ans. Sur la montagne, j’ai noué des liens avec des personnes d’une chaleur humaine et d’un humour déroutants, qui m’ont fait du bien, loin de mes racines. Patrouilleurs, personnel à l’entretien des pistes, aux remontées mécaniques, à l’administration, à la restauration, je me suis rapidement sentie appartenir à une communauté.
Plusieurs familles (elle se reconnaîtront) nous ont « adoptés », nous et notre fils dont la première garderie, à 6 mois, a été celle de l’École de glisse du Mont-Sainte-Anne. On a toujours reçu des invitations pour les Fêtes. Mon garçon a été cajolé par des grands-mères québécoises qui aimaient le kidnapper pour me laisser souffler. Il a appris à faire du snow dans la Pente École du MSA, à nager à la piscine des chalets Montmorency, à faire du ski de fond au rang Saint-Julien. Il a appris à faire du vélo à Château-Richer sur l’Avenue Royale, plus précisément sur ce qui allait devenir la Véloroute Marie-Hélène-Prémont et à dévaler les sentiers de bouette du Mont. Forcément, ça crée quelques souvenirs… Cette période a été cruciale dans mon désir de rester.
Choisir de rester
Aujourd’hui, je vis toujours à Beaupré dans un quartier calme où j’ai une vue sur le fleuve, l’île d’Orléans, le cap Tourmente que beaucoup m’envient. Je me réveille avec le chant des oiseaux, et cet hiver une famille de cerfs traversait régulièrement mon terrain. Piou piou tu vas penser : « Elle a mis ses lunettes roses ». Bien-sûr, je peste de me farcir le boulevard Sainte-Anne à l’urbanisme si réussi (!) pour aller à Québec, et que le transport en commun y soit encore embryonnaire. Mais ce sont les deux seuls inconvénients que je vois à travers mes lunettes réalistes (bon OK, je suis myope).
Reste que chaleur humaine + qualité de vie = 2 facteurs qui favorisent l’attachement à un lieu. Mon amoureux, originaire de la Côte-Nord, me rappelle tous les jours qu’il a réalisé un rêve en venant s’installer au Mont-Sainte-Anne car il est aussi fou de sport et de nature que moi. Et aussi de théâtre, cinéma, concerts… Nous adorons Charlevoix et nous vivons à un endroit stratégique entre Québec et Baie-Saint-Paul, nos deux villes fétiches. Difficile de demander mieux. Et je suis loin d’être la seule, puisque nombreux sont ceux qui avaient un chalet au MSA et y ont ensuite élu domicile.
Le tour du jardin?
Je me surprends de constater qu’en plus de vingt ans, je n’ai pas encore fait le tour de du jardin : je n’ai pas encore foulé tous les sentiers du Mont, du cap Tourmente, du Sentier des caps, ni dévalé toutes les pistes de snow et de ski de fond… Je n’ai pas encore exploré tous les méandres des rivières dans lesquelles j’adore me baigner. Ma soif de culture n’est jamais assouvie et je n’ai pas le temps de faire tout ce que Québec me propose d’affriolant.
L’esprit de convivialité qui règne autour du plein air, les sorties en nature à l’infini, la présence du fleuve qui me rend « zen », les spas, les produits du terroir qui égrènent la Côte-de-Beaupré et la proximité de Québec… Tout ça me procure une mixologie « nature et culture » à laquelle je suis devenue accro.
On ne le réalise qu’après avoir beaucoup voyagé, mais la richesse du combo ville + montagne + rivières + campagne + fleuve, ça ne court pas les rues…